Interview d’Agnès Kieser du Centre Hospitalier de la Côte Basque, son avis et ses impressions sur la formation Numérique Responsable

 

APB – Agnès KIESER, pouvez-vous nous expliquer rapidement votre rôle et votre poste au sein du CHCB ?

 

AK – J’accompagne le développement des activités de télésanté au sein des structures de soins de suite et de réadaptation (SSR) du territoire dans le cadre d’un programme d’accompagnement dédié et impulsé par l’ARS Nouvelle-Aquitaine sur 2021-2022. La télésanté, qui comprend les activités à distance de télémédecine et du télésoin, permet aujourd’hui d’offrir à la population de nouvelles possibilités d’accès aux soins en limitant le transport des patients, en réduisant les délais de prise en charge et en renforçant les collaborations territoriales.

 

Je viens d’être missionnée par le CHCB pour accompagner le programme Numérique Responsable du projet d’établissement qui s’inscrit dans la stratégie d’accélération de la transformation écologique qui représente un enjeu majeur pour l’hôpital au regard des problématiques de changement climatique et de développement durable.

 

 

APB – Vous avez récemment participé à une formation organisée par l’ANTIC PAYS BASQUE dont vous êtes membre, sur les enjeux du Numérique Responsable et le processus de labellisation.

 

a – Vous diriez quoi de cette formation ?

 

AK – Engager son organisation dans une démarche numérique responsable est aujourd’hui une nécessité face aux conséquences néfastes de la croissance sans limites du numérique dans tous les secteurs de la société, sur nos modes de vie et nos habitudes d’achat. Le numérique est au cœur des enjeux auxquels nous faisons face : dérèglement climatique, effondrement de la biodiversité et atteintes de nos limites planétaires.

 

Les différentes études nous apprennent que le numérique est aujourd’hui responsable d’environ 4 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le monde soit 2 fois le secteur aérien et consomme environ 10 % de l’électricité mondiale. Cet impact se concentre à plus de 75 % sur la phase de fabrication des équipements, comme les téléviseurs, les ordinateurs et les téléphones. La fabrication d’un ordinateur portable de 2 kilos nécessite 800 kilos de matières premières et 1,5 tonnes d’eau, sans oublier l’énergie dite « grise » nécessaire aux différentes étapes de son cycle de vie. Au-delà de l’empreinte carbone, l’épuisement des ressources abiotiques non renouvelables (minérales et fossiles), l’impact sur les ressources en eau et sur l’énergie primaire, les radiations ionisantes représentent autres facteurs d’impact environnementaux qui justifient le recours à une approche multicritères qui tienne compte de l’ensemble du cycle de vie des équipements numériques.

 

La formation nous permet de prendre conscience des impacts du numérique sur l’environnement et la société et donne les moyens pour engager son organisation dans une démarche numérique responsable avec le label numérique responsable de l’agence LUCIE, et envisager une labellisation LNR selon le niveau de maturité de son organisation au numérique responsable.

 

b – Qu’est-ce que cela vous a inspiré d’apprendre sur le Numérique Responsable ? pour vous ou pour le CHCB ?

 

AK – Je suis convaincue pour ma part du potentiel des technologies du numérique mais aussi de la nécessité de faire converger transition écologique et numérique, et notamment dans le secteur de la santé. La promotion de la pertinence des soins pour diminuer mécaniquement le recours au numérique et l’application d’une logique bénéfices/risques aux services numériques de santé apparaissent alors comme des propositions de bonnes pratiques sectorielles qui s’ajoutent aux recommandations de la feuille de route « Numérique et environnement » du gouvernement, articulée autour des trois axes : Mesurer, Réduire, Innover par le numérique pour la transition écologique.

 

La démarche consiste pour le CHCB à poursuivre le plan d’actions mis en place avec l’aide de l’Antic Pays Basque sur les trois axes : acculturation/information, matériel informatique et DEEE, logiciels métiers et e-services. Prochaine étape avec l’Antic, organiser une Fresque du numérique pour la Direction et l’équipe DSI Communication du CHCB.

 

C’est aussi pour le CHCB participer en septembre au challenge national de suppression d’emails « inutiles » organisé par la Fédération Hospitalière de France (FHF) lors d’un évènement qui se tiendra du 19 au 25 septembre à Paris Santé Campus au cours de la semaine européenne du développement durable, et participer à la mesure de l’empreinte des SIH en France en calculant l’empreinte environnementale du système d’information de l’établissement.

 

Un éco-score SIH mesurant la maturité des systèmes d’information hospitalier sera prochainement intégré dans le référentiel de certification des éditeurs, de même qu’un éco-score pour les applications de santé labellisées qui seront proposées dans le store patient Mon Espace Santé et le Bouquet de services aux professionnels de santé.

 

 

APB – Cette formation se passe sur 3 jours au total (2 jours sur les enjeux + 1 jour sur la labellisation). Vous diriez que c’est une formation accessible à tous ?

 

AK – Les deux premières journées de formation sur les enjeux du numérique responsable peuvent paraître plus difficiles à appréhender du fait de la multiplicité des impacts et de leurs interactions, d’où la nécessité de raisonner en cycle de vie en tenant compte de tous les indicateurs environnementaux grâce à une approche systémique qui permet de les réduire tous en même temps, en se méfiant des effets indirects et des effets rebonds qui sont définis comme « l’augmentation de consommation liée à l’efficacité d’une technologie ».

 

La formation apporte aussi la connaissance indispensable du cadre législatif et réglementaire (loi AGEC relative à la lutte contre le gaspillage et l’économie circulaire, loi REEN visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, directives européennes relatives aux DEEE, aux substances dangereuses…). Elle permet aussi de se repérer dans l’écosystème des outils, écolabels, normes, référentiels et acteurs experts et engagés pour un numérique responsable.

 

Avoir suivi le MOOC Numérique Responsable proposé par l’INR ou le MOOC Impacts environnementaux du numérique de l’INRIA, peut faciliter l’acculturation à ces concepts pour profiter pleinement de la formation.

 

La troisième journée de formation est plus concrète, elle nous permet d’approfondir le référentiel du label Numérique Responsable en faisant le lien entre démarche RSE et démarche NR, elle nous donne les moyens de réaliser un auto-diagnostic numérique responsable, définir un plan d’actions en rédigeant les engagements de progrès de l’organisation dans le cadre d’une démarche de labellisation LNR.

 

APB – Que pouvez-vous en dire de plus ?

 

AK – Je dirai que la première étape pour engager son organisation dans une démarche numérique responsable est de se structurer en mobilisant ses équipes et en les faisant monter en compétences sur le numérique responsable. C’est ensuite hiérarchiser les bonnes pratiques pour agir sur les leviers les plus impactants grâce un diagnostic de maturité numérique et la mesure de l’empreinte environnementale de son système d’information. C’est enfin, viser le label numérique responsable en fonction de la maturité de son organisation dans la démarche numérique responsable.